Plan de relance et collectivités : les avancées obtenues au Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances 2021
De la baisse des impôts de production à la territorialisation du plan de relance, en passant par l’évolution des dotations et la neutralisation des indicateurs financiers de la péréquation après la suppression de la taxe d’habitation… le projet de loi de finances 2021 a concerné très directement les collectivités territoriales.
A cela, il faut rajouter l’ensemble des articles additionnels adoptés par le Sénat visant à accroître les compensations financières apportées par l’État aux collectivités locales pour les pertes de recettes occasionnées par la crise sanitaire et la récession économique.
Au total, avec l’apport des sénateurs et notamment du groupe socialiste, le « panel de mesures supplémentaires », se chiffre, selon le rapporteur général à 2,5 milliards euros supplémentaires pour les finances de l’État, par rapport au texte sorti précédemment de l’Assemblée nationale.
Le gouvernement ne proposait aucune compensation financière en faveur du bloc communal et des départements, collectivités locales qui n’ont pas la possibilité de s’endetter, c’est pourquoi, avec mes collègues sénateurs du groupe socialiste, écologiste et républicain, mais également des autres groupes parlementaires nous avons donc joué pleinement notre rôle en nous efforçant de combler cette lacune.
Il est d’ailleurs à noter que beaucoup d’amendement ont été votés de manière transpartisane, les sénateurs de groupes politique différents se sont retrouvés pour voter les mesures nécessaires aux collectivités dans un souci d’efficacité.
Parmi les principaux apports du Sénat en faveur des collectivités territoriales, plusieurs avancées ont été obtenues :
- Avancement du versement du FCTVA
C’est ainsi que le Sénat a voté l’avancement d’une année le versement du FCTVA, dès 2021. Ainsi, les collectivités relevant actuellement du versement en N+2 passeraient en N+1 tandis que celles touchant aujourd’hui le fonds en N+1 en bénéficieraient l’année même de la dépense. A la différence du dispositif de 2009, qui avait prévu d’accélérer le versement du FCTVA uniquement pour les collectivités atteignant un objectif de hausse de leur investissement, l’amendement voté ne pose aucune condition en termes de volume d’investissement.
Le coût estimé du dispositif est de l’ordre de 5,4 milliards d’euros pour l’État, pesant exclusivement sur l’exercice 2021.
- Réduction du plafonnement de la CET à 1,5%
Nous avons adopté la réduction du taux du plafonnement de la contribution économique territoriale (CET), qui correspond à la CVAE et à la CFE, en fonction de la valeur ajoutée de 2 % à 1,5 %. Les entreprises dont le montant de CET excède ce plafond peuvent demander à bénéficier d’un dégrèvement, la fraction d’imposition au-delà du plafond étant remboursée par l’État aux collectivités territoriales bénéficiaires. L’objectif est d’éviter que la baisse d’impôts de production de 10 milliards d’euros dès 2021 proposée par le gouvernement ne se traduise par un ressaut d’imposition neutralisant une partie du gain.
- Compensations des pertes de CVAE des départements et du bloc communal
Par mesure d’équité entre les collectivités territoriales et compte tenu des dépenses supplémentaires qu’elles sont amenées à supporter dans le contexte actuel, l’amendement adopté propose d’instaurer un mécanisme de compensation des pertes de CVAE subies par les départements et le bloc communal en 2021 via la création d’un nouveau prélèvement sur recettes. Le coût de la mesure pourrait, selon le scénario de baisse de CVAE de 10 % en 2021 retenu par la mission Cazeneuve, s’élever à un total de 977 millions d’euros (dont 585 millions d’euros pour le bloc communal et 392 millions d’euros pour les départements).
- Pas de nouvelles minorations des variables d’ajustement
Le Sénat est aussi revenu sur les nouvelles minorations des variables d’ajustement pour 2021 (50 milliards d’euros voulu par le gouvernement sur les départements et les régions) et sur le plafonnement du prélèvement sur recettes de compensation de la réforme du versement transport. Cet amendement aurait pour effet d’augmenter les prélèvements sur recettes de l’État aux collectivités territoriales d’environ 85 millions d’euros par rapport au droit proposé.
- Suppression de l’amendement gouvernemental sur la dynamique de TVA
Compte tenu de la contraction du produit de la TVA en 2020, le Gouvernement considère que les collectivités locales – au premier rang desquelles les départements – bénéficieront en 2022 d’un « effet d’aubaine » puisque le niveau des coefficients de référence serait plus important que ce qui était envisagé lors de l’examen de la loi de finances pour 2020. Pour neutraliser cet effet, le Gouvernement souhaite que les coefficients de références soient calculés en référence à la TVA de l’année 2021 et appliqués, ensuite, à la TVA de l’année en cours. En conséquence, le gouvernement voulait entrainer une moindre recette dynamique de 1,3 milliard d’euros en 2022 pour les collectivités locales. Le sénat a supprimé cet article 22.
- Suppression de l’unification des taux de TCFE
Le gouvernement souhaite unifier au niveau national les tarifs de taxe communale sur la consommation finale d’électricité (TCCFE). Le Gouvernement avait indiqué qu’il n’y aurait pas d’augmentation d’impôt. Mais avec cet article 13, il y aura une hausse de l’imposition pour les habitants des communes qui appliquaient jusqu’ici un taux zéro. Cet article aura des conséquences négatives sur le pouvoir d’achat des Français tout en affaiblissant une nouvelle fois le pouvoir de taux des collectivités et de leurs groupements. Nous avons don demandé une suppression de cet article.
- Reconduction de la clause de sauvegarde pour le bloc local pour 2021
Les sénateurs ont décidé de reconduire pour 2021 la clause de sauvegarde des recettes fiscales et domaniales du bloc communal codifié pour 2020 à l’article 21 de la troisième loi de finances rectificatives, comme préconisé par le rapport Cazeneuve. Le dispositif introduit cependant une adaptation. En effet, par dérogation, le calcul de la moyenne de référence prend en compte, par cohérence avec le souhait de retenir les trois dernières années qui précèdent la crise, le produit de CVAE versé aux collectivités de 2018 à 2020. Un dispositif d’avances remboursables de CVAE pourrait également être satisfaisant.
- Compensations pour les SPIC
Les régies municipales financièrement autonomes et à vocation touristique ou culturelle qui gèrent un service public administratif sont exclues de toutes mesures de compensation. J’ai déposé un amendement pour les rendre éligibles au mécanisme de compensation des pertes de recettes tarifaires engendrées par la crise du coronavirus. Hélas, je n’ai pas obtenu gain de cause, j’ai donc réitéré, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificatives en juillet 2021, mes initiatives, et ce, bien que le Ministre chargé des Comptes Publics, Olivier Dussopt, persiste à méconnaître la situation spécifique des régies municipales. A ce jour, force est de constater que seuls les services publics industriels et commerciaux (SPIC) bénéficient de compensation pour perte de charges.
- Suppression de l’article sur la péréquation régionale
L’amendement vise à supprimer les dispositions de l’article tendant à « préfigurer » les contours du futur système de péréquation des ressources régionales qui doit se concrétiser en 2022, qui dépossède largement le législateur et préempte les négociations à venir avec les régions. (amt II-13 dont je suis cosignataire déposé par le groupe socialiste– art. 58) ;
- Modification de la répartition de la DSIL exceptionnelle
Nous avons défendu avec mon groupe un amendement pour permettre aux collectivités territoriales de bénéficier de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) pour tout projet de « développement de l’attractivité ». Cet amendement ajoute les investissements touristiques dans les catégories d’opérations éligibles à cette dotation. (amt II-872 rect. – insérant un art. additionnel après l’art. 59 déposé par le groupe Socialiste) ;
- Exonération de CFE
Le présent amendement vise à permettre aux communes et au EPCI d’exonérer les entreprises de leur territoire de l’intégralité de la cotisation foncière des entreprises (CFE). A l’inverse du dégrèvement institué à l’été, dont le coût était pris en charge pour moitié par l’Etat et pour moitié par la collectivité territoriale, la totalité de l’exonération sur les deux tiers restants serait prise en charge par la collectivité. Ce serait ainsi la commune ou l’EPCI qui assumerait cet effort supplémentaire pour aider les entreprises de son territoire.
- Exonération de TH pour les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs
Cet amendement a pour objet d’exonérer de la taxe d’habitation les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs, à l’image de celle dont bénéficient déjà les structures de statut public assumant les mêmes missions avec les mêmes modalités de financements de leurs charges.
Maintien du fonds postal national de péréquation territorial à son niveau de 2020
Le Gouvernement en supprimant la part régionale de CVAE ne semble pas s’être rendu compte de l’ensemble des conséquences. Ainsi envisagé, l’article entraînera une baisse de 65 millions d’euros en 2021 et 2022 de ce fonds pourtant essentiel pour les actions assurées par les commissions départementales de présence postale territoriale en faveur des zones rurales, des zones de montagne, des quartiers de la politique de la ville et des départements ultramarins. Les sénateurs ont décidé de garantir son niveau au moins à celui de 2020.
20 millions supplémentaires pour les ponts
Afin d’accompagner les collectivités territoriales à recenser et diagnostiquer leurs ponts, le plan de relance prévoit une enveloppe de 40 millions d’euros sur deux ans (au lieu des 60 millions d’euros initialement envisagés). Nous avons donc voté une rallonge de 20 millions d’euros pour respecter la promesse initiale.
Réforme de la DETR
L’amendement voté propose de rendre obligatoire la communication de l’ensemble des dossiers déposés à la commission, d’abaisser à 80 000 € (contre 100 000 € actuellement) le seuil du montant de subvention au-delà duquel l’avis de la commission est requis, de contraindre le Préfet à respecter les catégories prioritaires d’opérations à financer fixées par la commission, de prévoir que le préfet rende compte à la commission de ses choix et des critères retenus pour sélectionner ou rejeter les demandes de subvention. Enfin, cet amendement vise à ce que le règlement départemental ne puisse pas prévoir de critères excluant une commune du bénéfice de la DETR autres que ceux prévus par la loi.
Abaissement du seuil de participation des petites communes aux projets d’investissements
J’ai souhaité soutenir cet amendement qui permet d’abaisser de manière temporaire le seuil de participation des petites communes aux projets d’investissements. En abaissant ce seuil à 10 % pour les communes de moins de 2 000 habitants, cela permettra à ces communes rurales de participer à la relance de l’économie plus facilement et d’accompagner l’activité des entreprises locales. Cet abaissement serait valable jusqu’au 31 décembre 2021. (amt II-562 rect. – insérant un art. additionnel après l’art. 59) ;
Suppression de l’abattement de 50 % de la taxe d’aménagement
Cet amendement supprime l’abattement de 50 % de la taxe d’aménagement pour les locaux à usage industriel ou artisanal et leurs annexes, pour les entrepôts et hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale, et pour les parcs de stationnement couverts faisant l’objet d’une exploitation commerciale.